Valeurs. C’est un mot qui revient souvent dans la bouche des entrepreneurs qui cherchent à définir leur marque. Pat Tenore, lui, préfère prêcher par l’exemple et honorer les valeurs auxquelles il est attaché depuis l’enfance à chaque étape de son parcours.

Pat Tenore est un peu une légende dans les communautés du surf, du skate et des arts martiaux. Le créateur a fondé et géré la marque RVCA pendant près d’un quart de siècle. En 2023, après l’acquisition de sa société mère Boardriders (qui possédait d’autres marques de sports d’action et lifestyle, comme Roxy, Element, Quiksilver et Billabong) par Authentic Brands Group, il décide toutefois de partir avec éclat – en lançant sa nouvelle marque : TENŌRE. 

« Je voulais me recentrer sur la qualité et le produit, et plus sur l’argent et les marges », explique-t-il. « C’est pour ça que j’ai décidé de lancer Tenōre. À 51 ans, j’aurais pu prendre ma retraite, mais ma marque faisait partie de la vie de tant de personnes que je ne voulais pas renoncer à soutenir les sous-cultures avec lesquelles j’ai grandi. » Dès l’annonce de son départ, de nombreuses légendes du sport décident de le suivre, sans vraiment savoir sur quelle voie il comptait s’engager. 

Une trentaine d’athlètes de haut niveau, dont plusieurs surfeurs et champions du monde de sports de combat ont rejoint son label. L’un d’eux, Kade Ruotolo, est devenu le plus jeune champion du monde de grappling (ou lutte de soumission) à l’âge de 19 ans. Son frère jumeau, Tye, est le plus jeune champion du monde de jiu-jitsu brésilien. « Je les connais depuis qu’ils ont deux ans et j’ai commencé à les sponsoriser quand ils en avaient sept », raconte Pat. « Une relation pareille, ça ne s’achète pas. » « Ses » athlètes viennent en masse pour s’entraîner quotidiennement dans la salle de sport qu’il a construit à côté des bureaux de l’entreprise à Costa Mesa, au sud de Los Angeles. Une cage de MMA, des tatamis et des sacs de frappe sont toujours à la disposition des sportifs de passage.

Créer une nouvelle entreprise à la cinquantaine n’est pas une sinécure. « Pour être tout à fait honnête, je pensais que ce serait beaucoup plus facile, mais une start-up reste une start-up. On repart à zéro. Cette fois néanmoins, je n’ai pas eu à le faire dans mon garage, comme cela a été le cas avec RVCA. » Sa carrière pourrait être une illustration du rêve américain. La recette de son succès contient une bonne dose de talent, mélangée à d’innombrables rencontres, le tout saupoudré d’une grosse couche de travail acharné. 

Après avoir grandi aux Philippines avec différents membres de la famille, Pat déménage dans la région de la baie de San Francisco avec sa mère. Plus tard, alors qu’il a 10 ou 11 ans, ils s’installent à Orange County, Californie. Il n’en est plus reparti. Les premiers enfants qu’il rencontre sont des surfeurs, à Newport Beach. Ils sont encore amis aujourd’hui. Dans sa jeunesse, ses deux seules préoccupations sont le surf et le skateboard. Il commence à réaliser des vêtements pour un magasin de surf sur la Pacific Coast Highway, vers ses 13, 14 ou 15 ans, puis travaille pour des plus grandes marques à partir de 16 ou 17 ans (il admet être très mauvais pour se souvenir des dates). Il vient à peine d’avoir 19 ans lorsque naît son premier enfant, Joseph. Devenir père aussi jeune ne l’empêche toutefois pas de créer son propre label. 

« Lancer une marque de vêtement n’est vraiment pas une chose facile et, en plus de ça, je devais subvenir aux besoins de ma famille », se rappelle-t-il. « J’ai passé de longues heures à travailler en coulisse. La mode semble très glamour au premier abord, mais elle est mouvante et cache plein de responsabilités... C’est un processus soigneusement réfléchi. J’entendais mes amis parler de leurs voyages, de leurs sorties de surf, de leurs concerts, tandis que moi j’étais coincé dans mon studio, qui était mon garage, où je trimais 16 heures par jour. » RCVA s’est imposée comme marque culte dans les milieux du surf, du skateboard et des sports de combat. Au fil des ans, l’aspect commercial de son entreprise a toutefois commencé à prendre le pas sur ses racines artistiques et créatives. Mû par un désir de revenir aux origines de son succès, Pat lance un nouveau label qui porte son nom. « Mais je n’incarne pas Tenōre à moi seul », souligne-t-il. « Cette marque est une tribu. C’est pourquoi j’ai prévu de lâcher les rênes dès que l’affaire commencera à marcher toute seule. »